Bien avant l’attentat du 21 avril 1994 à Murambi, pendant le génocide contre les Tutsi au Rwanda, les réfugiés qui avaient trouvé refuge à l’École Technique Officielle (ETO) de Murambi ont vécu une réalité bien différente de celle qui leur avait été promise. Déception, abus et mort ont marqué leur quotidien, comme en témoignent les rescapés lors du procès de Laurent Bucyibaruta devant la cour d’assises de Paris.
« Vers 15 heures, l’ordre a été donné de nous rendre à Murambi où nous serions protégés. Nous avons subi des attaques, souffert de la soif et de la faim. L’eau avait été coupée, et si nous descendions dans la vallée pour puiser, on nous attaquait. Une livraison de riz a bien été faite, mais en quantité insuffisante. Nous avons reçu un verre de riz pour six personnes, » a déclaré un témoin rescapé de l’ETO Murambi.
L’illusion de sécurité
Un témoin, qui tenait un bébé de six mois à l’époque, a raconté :
« Mon mari voulait partir pour le Burundi, mais je m’y suis opposée, prétextant que rien ne nous arriverait, qu’ils ne pouvaient pas tuer une telle foule. Nous sommes restés sur place. »
Elle a ajouté :
« Mon bébé a pleuré pendant des heures, et vers trois heures du matin, nous avons entendu des coups de feu. Les tueurs avaient encerclé le site et commencé à massacrer les gens réfugiés au rez-de-chaussée du bâtiment où nous nous trouvions. C’en était fini pour nous. »
Des promesses non tenues
Une autre témoin, une veuve ayant perdu ses huit enfants, a témoigné :
« Chez nous, à Nzega, nous avons passé la nuit au presbytère. Le lendemain, on nous a conduits à Murambi autour de 15 heures, où on devait nous protéger. Mais rapidement, l’eau a été coupée, et nous n’avions rien à boire ni à manger. »
Elle a poursuivi :
« Un jour, le prêtre a apporté du riz, mais dès le lendemain, des attaques ont eu lieu. Nous n’avons pas pu manger. Le mercredi 20, la nuit, ils nous sont tombés dessus, machettant les enfants et coupant des jambes. »
En larmes, elle a ajouté que les autorités avaient trompé les réfugiés.
« Lors d’une réunion avant notre départ pour Murambi, le bourgmestre avait prétendu qu’il nous protégerait. Nous avons été abandonnés. Les réfugiés arrivaient de partout, et nous avions peur de mourir. »
La confiance mal placée
Un autre témoin, commerçant vivant près du site de Murambi, a raconté :
« L’eau a été coupée peu après, et les réfugiés se sont révoltés. Bucyibaruta et Sebuhura sont venus pour une réunion, promettant aux réfugiés qu’ils seraient en sécurité. Comme on disait que l’épouse du préfet était Tutsi, les réfugiés avaient confiance en lui. »
Il a ajouté que l’eau n’a jamais été rétablie et que la CARITAS a livré quelques sacs de riz, insuffisants pour les besoins des réfugiés.
« Les réfugiés faisaient confiance au préfet et ont décidé de rester sur le site de Murambi. S’ils étaient partis, ils ne seraient pas tous morts. »
Appel à la justice
Les témoins demandent que justice soit rendue pour les victimes innocentes et les rescapés maltraités. Laurent Bucyibaruta est poursuivi pour génocide et crimes contre l’humanité qu’il aurait commis dans la préfecture de Gikongoro, où il était préfet avant et pendant le génocide de 1994. Son procès, débuté le 9 mai 2022, est prévu de se terminer le 12 juillet 2022.
