Lors du procès de Philippe Hategekimana Manier, un témoin a souligné le poids des racines européennes dans le génocide contre les Tutsi. Stéphane Audouin-Rouzeau, qui se présente comme enseignant-chercheur et spécialiste de la Première Guerre mondiale, a évoqué les théories racistes et racialistes européennes à l’origine des grands génocides du 20e siècle. Ces théories, basées sur une hiérarchie des races, ont influencé la perception des premiers Européens arrivés au Rwanda.

Audouin-Rouzeau a rappelé que ces colons, ne comprenant pas la société clanique rwandaise, ont créé un mythe : « Les Hutu sont les premiers occupants, les Tutsi sont venus du Nord. » Selon lui, le colonisateur belge porte une grande responsabilité dans cette situation. En soutenant les Tutsi, il a engendré une immense frustration, suivie de massacres en 1959, 1963 et d’autres événements tragiques.

Les ingrédients nécessaires à un génocide

Le témoin a également souligné qu’un État moderne est indispensable pour orchestrer un génocide. Il a cité l’Empire ottoman, l’État nazi et le gouvernement intérimaire rwandais formé les 7 et 8 avril 1994 avec l’aide de l’ambassade de France à Kigali. Ce gouvernement intérimaire a organisé le génocide en s’appuyant sur une administration et une société fortement structurées : préfets, bourgmestres, conseillers de secteur et de cellule.

Au Rwanda, où chacun sait qui est Hutu ou Tutsi, le témoin a mis en lumière le rôle crucial de la garde présidentielle, de la gendarmerie et des miliciens dans la mise en œuvre du génocide.

L’impact de la colonisation

Interrogé par le président de la cour, Jean-Marc Lavergne, le témoin a précisé plusieurs points. Il a notamment évoqué l’influence de la pensée européenne et de la colonisation, qui a introduit des livrets, puis des cartes d’identité mentionnant l’ethnie dès le début du 20e siècle. Ces cartes ont conduit de nombreuses personnes à la mort.

« Parler d’ethnie au Rwanda, c’est un abus de langage créé par le colonisateur et adopté par les Rwandais eux-mêmes. Les Rwandais appartenaient à des clans. Hutu et Tutsi étaient des catégories sociales dont on pouvait changer avant l’établissement des cartes d’identité. Le colonisateur a fait des Hutu et des Tutsi des races différentes », a déclaré le témoin.

Les accusations contre Philippe Manier

Philippe Manier est accusé d’avoir érigé et contrôlé des barrières sous la responsabilité des gendarmes, d’avoir orchestré le meurtre du bourgmestre Nyagasaza, ainsi que les massacres des collines de Nyabubare et de Nyamure dans la commune de Ntyazo le 27 avril 1994. Il est également poursuivi pour entente en vue de commettre le génocide, notamment par sa participation à des réunions et aux massacres à l’ISAR Songa, des faits requalifiés suite à l’appel du CPCR.

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