Les chauffeurs de Kibuye demeurent des figures énigmatiques dans le contexte du génocide contre les Tutsi à Kibuye, notamment sur les collines de Bisesero, Karongi, Gitwa, et d’autres, en 1994. Ces rôles sont désormais au centre du procès de Claude Muhayimana, qui se déroule à la cour d’assises de Paris.
Claude Muhayimana est accusé de complicité de génocide et de crimes contre l’humanité. On lui reproche d’avoir transporté des miliciens Interahamwe et des gendarmes ayant perpétré des massacres contre les Tutsi réfugiés dans divers endroits de la préfecture de Kibuye. Ancien chauffeur pour le projet de pêche, puis employé au guest house de Kibuye également en tant que chauffeur, Muhayimana affirme avoir été contraint par les miliciens et les gendarmes à transporter ces derniers, ce qui l’amène aujourd’hui à comparaître devant la justice.
À l’opposé, M. Uzzias Bailleux, qui était chauffeur pour la préfecture de Kibuye, notamment auprès des différents préfets dont Dr. Clément Kayishema, raconte une toute autre histoire. Kayishema, préfet pendant le génocide, fut l’un des acteurs principaux de cette tragédie. Pourtant, Uzzias a eu le courage de désobéir aux ordres de son supérieur, comme il le relate dans son livre Désobéir pour sauver.
« Malgré mon audace et ma volonté d’aider, j’ai été le témoin impuissant d’un génocide se déroulant sous mes yeux. J’ai pu secourir des victimes de scènes d’une cruauté inimaginable : des innocents mutilés, des femmes violées, et d’autres laissés pour mourir », écrit Uzzias dans son livre.
Il revient également sur ses limites face à l’ampleur des atrocités, tout en insistant sur son désir d’agir différemment.
« Je n’avais pas les moyens adéquats pour soigner les blessures béantes. Malheureusement, beaucoup ont succombé, et seuls quelques-uns ont survécu. Avec l’aide de quelques personnes au cœur encore humain, nous avons pu en sauver un petit nombre. Parallèlement, j’ai tout fait pour alerter les autorités afin d’arrêter ces massacres, mais en vain. »
En tant que chauffeur du préfet de Kibuye, Dr. Clément Kayishema, l’un des acteurs les plus impliqués dans l’organisation du génocide, Uzzias reconnaît que son existence relève d’un miracle divin.
« Si je suis encore en vie aujourd’hui, c’est un miracle, une grâce de Dieu. J’ai lu et entendu beaucoup de choses sur le génocide contre les Tutsi au Rwanda. De nombreux journalistes et auteurs ont publié mes témoignages. Après 25 ans, j’ai trouvé le courage de briser le silence et de partager ma version des faits, ce qui s’est réellement passé dans ma région natale, Kibuye-Rwanda. » Uzzias Bailleux a témoigné dans le cadre du procès de Muhayimana, un autre « chauffeur de Kibuye ». Il affirme que si Muhayimana avait été réellement gêné par les massacres, il aurait agit autrement.
