Alors que les Championnats du monde de cyclisme sur route de l’UCI se déroulent pour la première fois sur le sol africain, les fans de cyclisme sont captivés par la vitesse, les tactiques et l’endurance des coureurs. Pourtant, derrière les échappées spectaculaires et les sprints finaux, se cache une autre course, plus discrète et moins visible: celle pour le bien-être mental et sexuel des athlètes de haut niveau.
Les experts en médecine du sport rappellent que si le cyclisme est une épreuve de force physique, l’esprit et même la santé sexuelle jouent un rôle tout aussi décisif.
« Les gens imaginent que nous ne nous soucions que des watts et du repos, mais il y a toujours cette petite voix qui chuchote le doute, la peur de ne pas être sélectionné, la peur de décevoir l’équipe », explique un psychologue du sport travaillant avec des coureurs de l’UCI.
La santé mentale sous pression
Les cyclistes professionnels subissent un mélange d’exigences physiques et de contraintes psychologiques. Les longues saisons, les déplacements constants, le poids du sponsoring et la crainte des blessures laissent des traces. Une étude récente citée par CyclingNews a estimé que près d’un cycliste professionnel sur trois présente des symptômes de dépression, tandis qu’environ 22 % déclarent des comportements addictifs, souvent liés aux blessures ou à l’isolement.
« Ce ne sont pas seulement mes jambes qui brûlent dans la montée ; c’est mon esprit qui flanche en premier », a confié anonymement un coureur, afin de souligner la stigmatisation qui entoure encore la santé mentale dans le peloton.
Des recherches publiées dans le ‘Journal of Sports Science’s confirment que l’anxiété pré-compétition influence fortement la performance, parfois plus encore que le niveau de forme physique. L’inactivité due à une blessure ou à des interruptions inattendues comme pendant la pandémie de COVID-19, a également été associée à une hausse marquée des taux de dépression et d’anxiété chez les cyclistes.
Le tabou de la santé sexuelle
La santé sexuelle reste, elle aussi, largement négligée. Pendant des décennies, le mythe selon lequel l’activité sexuelle avant une compétition réduirait les performances a persisté. Pourtant, des revues scientifiques systématiques démontrent le contraire: une activité sexuelle dans les 24 heures précédant une course n’a aucun impact négatif significatif sur l’endurance, la force ou la capacité aérobie.
« La santé sexuelle fait partie intégrante de la santé globale. Une vie sexuelle équilibrée favorise la détente, le sommeil et l’équilibre hormonal autant d’éléments essentiels à la récupération », explique Dr. Alessandra Rossi, spécialiste en médecine du sport ayant travaillé avec des athlètes d’endurance.
Une étude récente menée auprès d’athlètes d’endurance plus âgés a révélé que les hommes comme les femmes rapportaient des niveaux plus élevés de désir et de satisfaction sexuelle que les non-athlètes. Chez les femmes, celles ayant des muscles du plancher pelvien plus toniques présentaient une meilleure fonction et moins d’inconfort, soulignant la nécessité d’un suivi médical adapté aux spécificités féminines.
Un appel à un soutien plus large
Les défenseurs de la santé des athlètes estiment que la santé mentale et sexuelle doit bénéficier de la même priorité que la nutrition, l’entraînement et l’équipement. Ils recommandent à l’UCI et aux fédérations nationales de:
- mettre en place un dépistage systématique de la santé mentale,
- élargir l’accès confidentiel aux psychologues,
- lever le tabou sur la santé sexuelle, et
- offrir un suivi médical adapté aux cyclistes féminines.
« Les cyclistes ne sont pas des robots. Ce sont des êtres humains à part entière, et ils donnent le meilleur d’eux-mêmes lorsque toutes les dimensions de leur santé sont respectées », ajoute Rossi.
Au-delà de la compétition
Alors que le Rwanda accueille avec fierté ces championnats, le cyclisme africain brille sous les projecteurs. Mais au-delà des médailles et des records, les experts insistent: soutenir les athlètes de manière holistique, corps, esprit et sexualité, déterminera l’avenir du sport.
Le cyclisme d’élite, affirment-ils, ne se résume pas à la vitesse avec laquelle les coureurs gravissent les collines de Kigali, mais aussi à leur capacité à préserver leur bien-être global une fois les courses terminées.
