Paris, 16 septembre 2025 (depuis Kigali) — La Cour d’assises d’appel de Paris a ouvert ce mardi le procès de Sosthène Munyemana, médecin rwandais retraité condamné en première instance pour complicité de génocide et crimes contre l’humanité. Une journée dense, marquée à la fois par la mise en place du jury, des débats sur l’audition de témoins et les premières dépositions.
L’audience, prévue à 9h, a débuté avec une heure et demie de retard en raison de l’arrivée tardive de l’accusé. Le président de la cour a présenté ses excuses avant d’appeler les interprètes et de rappeler les droits fondamentaux de l’accusé, notamment celui de garder le silence.
Constitution du jury
La sélection du jury a occupé une grande partie de la matinée. Après plusieurs dispenses et récusations, neuf jurés titulaires, trois femmes et six hommes, ainsi que cinq suppléants ont prêté serment, s’engageant à examiner les charges avec « impartialité et fermeté ».
Tensions autour d’un témoin clé
Dès la reprise, les débats se sont cristallisés autour du cas d’un témoin. La défense a produit un document reçu via WhatsApp affirmant que ce dernier souhaitait témoigner en personne à Paris, contrairement à ce qu’auraient indiqué les autorités rwandaises, qui privilégiaient une visioconférence. Les avocats de Munyemana ont dénoncé une possible ingérence de Kigali et une atteinte aux droits de la défense.
Les parties civiles ont contesté la valeur probante du document, dénonçant un « écran de fumée ». L’avocat général a demandé de temporiser. Finalement, le président a confirmé que le témoin viendrait bien témoigner physiquement.
Premiers témoignages
Dans l’après-midi, plusieurs témoins se sont succédé. Le colonel Chevalier, attaché de sécurité intérieure à l’ambassade de France au Rwanda, a assuré que les visioconférences de témoins se déroulaient sans interférence des autorités rwandaises. La défense, elle, a persisté à souligner l’insécurité politique dans le pays.
Deux anciens collègues de Munyemana, médecins à Villeneuve-sur-Lot, ont ensuite décrit un professionnel « compétent », « bienveillant » et « modérateur » au sein des équipes hospitalières. Tous deux ont exprimé leur incompréhension face à sa condamnation.
Son fils, a livré un témoignage pudique, décrivant un père protecteur et « innocent », tandis que son épouse, a provoqué une vive émotion en salle d’audience. Revenue longuement sur son histoire familiale et leur parcours politique, elle a éclaté en sanglots en demandant pardon à son mari pour avoir un jour craint qu’il ne s’en prenne à leurs enfants. L’audition a dû être suspendue aux alentours de 22h15.
Un procès attendu
Ce procès en appel devrait durer plusieurs semaines. Il ravive des plaies anciennes et met en lumière des tensions persistantes autour du rôle de l’État rwandais et de la mémoire du génocide de 1994. Pour les parties civiles, il s’agit d’obtenir la confirmation d’une condamnation jugée nécessaire à la justice des victimes. Pour la défense, l’enjeu est d’effacer une décision considérée comme injuste et de redorer l’image d’un homme décrit comme « sage » et « intègre ».
