Lors du procès de Laurent Bucyibaruta devant la cour d’assises de Paris, François Graner, chercheur, a affirmé que l’attaque du Front Patriotique Rwandais (FPR) avait été utilisée par le gouvernement comme justification des massacres de Tutsi, menant finalement au génocide de 1994.
« Le FPR était perçu comme l’ennemi : des opposants au président Habyarimana, majoritairement des exilés Tutsi basés en Ouganda, assimilés à l’ensemble des Tutsi du Rwanda, » a expliqué Graner.
Le rôle de la France et ses intérêts en Afrique
Graner a également souligné que la France, tout en affirmant ne pas avoir l’intention d’exterminer les Tutsi, avait pour priorité de préserver ses intérêts en Afrique. L’Élysée cherchait à maintenir son influence dans la région, notamment en intégrant d’anciennes colonies belges dans sa sphère d’influence. Face à l’attaque du FPR en octobre 1990, la France a soutenu les Forces Armées Rwandaises (FAR) à travers l’opération Noroît, initialement prévue pour quelques semaines mais prolongée jusqu’en décembre 1993.
Les avertissements sur le risque de génocide
Dès octobre 1990, des avertissements sur un risque élevé de génocide ont été remontés à Paris. Le chef de l’armée rwandaise aurait confié à l’ambassadeur de France que l’attaque du FPR servirait de prétexte pour massacrer les Tutsi. En décembre 1990, le chef de la gendarmerie rwandaise aurait déclaré au général Varret que les Tutsi, peu nombreux, seraient éliminés.
Les premières violences et la continuité des massacres
Les premières violences incluent des rafles et meurtres de Tutsi à Kigali, ainsi que des massacres à Kibilira (Gisenyi) le 5 octobre 1990, au Mutara le 8 octobre (500 à 1 000 victimes), et à nouveau à Kibilira du 11 au 13 octobre (350 morts). Une continuité entre les autorités civiles, militaires, et la population générale a été observée, avec une implication de la garde présidentielle, de la gendarmerie, de l’armée, des milices, et des civils dans ce qui était appelé « défense civile » ou « défense populaire ».
Des pogroms récurrents ont suivi, notamment après un discours présidentiel fin octobre 1990, en janvier-février 1991 contre les Bagogwe (région des Volcans), du 4 au 9 mars 1992 dans le Bugesera, et fin décembre 1992 à Kibilira (Gisenyi).
Le procès de Bucyibaruta
Le procès de Laurent Bucyibaruta, ancien préfet de Gikongoro, a débuté le 9 mai 2022 et devrait se terminer le 12 juillet 2022. Pas moins de 110 témoins, incluant des témoins directs et contextuels, ont été convoqués pour ce procès historique.
